Maître Grégory BERKOVICZ, associé principal du cabinet GB2A Avocats et participant aux 12ème rencontres internationales des PPP, analyse certains rapports et synthèses de la Cour des comptes et de l’inspection générale des finances selon lesquels l’approche du marché de partenariat, par ces organismes, serait biaisées.

« Le marché de partenariat a un inconvénient majeur, il conduit à la transparence des coûts. Or, le système de notre pays est trop souvent fondé sur l’opacité, l’absence d’évaluation et de transparence de l’utilisation des deniers publics », répond Maître Grégory BERKOVICZ, du cabinet GB2A Avocats, face aux critiques émises à l’encontre de ce montage contractuel. Il dénonce dans ce domaine une approche dogmatique qui amène à découper le monde en deux : les bons et les mauvais. « Quand on est en présence de documents orientés, en général seuls les titres et la synthèse le sont. Et ce sont ces éléments-là qui sont généralement lus. Les rapports qui concernent les partenariats public-privé (PPP) en eux-mêmes sont beaucoup plus nuancés. Ce qui est souvent critiqué, ce n’est pas tant le PPP en lui-même, mais la façon dont il a été utilisé », pointe l’avocat. « Lorsque les projets sont mal montés, peu importe l’outil employé, le résultat sera tout aussi négatif », continue l’avocat… qui souhaite tordre le cou à certaines idées.

Éviter les modifications en cours de route

Pour l’associé principal de GB2A, il est nécessaire de rappeler le b.a.-ba : une prestation exécutée doit être payée. Dans le cadre d’un marché de partenariat, lorsqu’une personne publique met fin ou modifie substantiellement l’objet après la réalisation de l’ouvrage, c’est à cet instant que les montants dus par l’acheteur deviennent considérables car le paiement du prestataire, pour l’accomplissement de sa mission, n’est plus échelonné sur plusieurs années. Il faut déboucler entièrement le financement. De surcroît, le pouvoir adjudicateur devra s’acquitter d’indemnités prévues dans le contrat. Il est donc impératif d’insérer, au moment de la rédaction du marché, des clauses d’évolution pour anticiper ces possibles changements. Les acteurs publics doivent néanmoins avoir à l’esprit que des modifications en cours de route, quel que soit le montage contractuel, entrainent un surcoût même si elles sont encadrées, prévient Me Grégory BERKOVICZ.
Mais s’agissant des opérations lancées en maîtrise d’ouvrage publique (MOP), cet excès n’est presque jamais mesuré, regrette le professionnel. D’autant qu’il existerait, selon celui-ci, une « convergence objective d’intérêts » entre les maîtres d’œuvre et les entrepreneurs à voir intervenir des modifications du cahier des charges initial afin d’obtenir des délais rallongés et, de facto, une augmentation du prix de l’ouvrage.
A l’inverse, dans un marché de partenariat, l’acheteur a un seul interlocuteur. La responsabilité des risques est transférée au titulaire puisqu’il est le maître d’ouvrage : « Il est donc normal que la prestation soit plus chère au démarrage ». L’avocat fait en parallèle référence à une étude de l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) relative à l’évaluation des procédures d’investissement dans le domaine de la santé publique, laquelle évalue la variation du coût d’investissement initial et final en fonction du montage. Résultat ? Elle peut osciller jusqu’à 50% dans le cadre de la MOP et jusqu’à 3,8% dans un PPP.

Comparer les taux d’intérêt entre eux de manière objective

En revanche, Me Grégory BERKOVICZ s’insurge contre la synthèse de la Cour des comptes sur la politique immobilière du Ministère de la Justice. Le paragraphe contesté est le suivant : « Les taux de financement pour des PPP conclus par le ministère de la justice pour les établissements pénitentiaires de Riom, Valence et Beauvais, ainsi que pour le tribunal de grande instance de Caen, correspondent ainsi à des équivalents taux fixe de 5,90 %. Cet équivalent taux fixe atteint 6,40 % pour le nouveau palais de justice de Paris. Au moment de la signature de ces contrats (en 2012), l’État se finançait à un taux moyen pondéré de 1,86 % et, lors de la fixation définitive des taux (en 2014), à un taux de 1,31 % ».
Primo, en PPP l’acheteur commence à rembourser sa dette, non pas à la signature du contrat, mais à la réception de l’ouvrage (environ deux ans après la conclusion du marché de partenariat), souligne l’avocat. Deuzio, poursuit celui-ci, la comparaison des taux évoqués serait absurde. En effet, le taux de 1,86 ou de 1,31 correspondait à celui fixé pour les obligations assimilables du Trésor (OAT) émises par l’Etat sur les marchés financiers sans intermédiaire (c’est-à-dire sans passer par une banque) pour une durée fixe de dix ans, avec une exigence pour les services étatiques de rembourser les investisseurs à cette échéance. Or, le financement d’un PPP est structuré différemment. « L’emprunteur est, cette fois-ci, une société de projet privée. Elle va aller, d’abord, chercher le financement auprès de ses actionnaires : les fonds propres et les quasi-fonds propres […]. Ensuite, la société contracte un prêt à la banque sur une vingtaine d’années. Cette somme représente, grosso modo, 85% de la dette empruntée. La comparaison de la Cour des comptes aurait été valable si elle avait été faite entre ce taux fixe et celui d’une personne publique empruntant elle-aussi auprès d’un établissement de crédit sur la même durée. A l’époque, cette dernière bénéficiait de taux autour de 5% en Dailly sur vingt-cinq ans », explique Me Grégory BERKOVICZ. Au passage, une évaluation avec le coût de la fiscalité ne serait pas dénuée de sens, glisse le professionnel, lorsque la collectivité territoriale décide de ne pas emprunter et « prétend financer sur fonds propres » car : « La fiscalité a un coût. Quand on prélève de l’impôt sur un territoire, on l’appauvrit. Les citoyens et les sociétés auraient pu investir cet argent dans l’économie ».

Adapter les exigences en matière de maintenance

Me Grégory BERKOVICZ souhaite également nuancer le rapport de l’Inspection générale des finances de 2012, consacré à l’évaluationdes PPP, où il a été mis en avant la “rigidité” de ce modèle. « Derrière cette observation, l’inspection reproche en réalité la perte de liberté pour la personne publique de maintenir ou non l’ouvrage » se désole l’avocat. « Dans notre pays, il existe un gros problème de maintenance. Elle est la variable d’ajustement des finances publiques, déplore le professionnel. En effet, Bercy veille à réduire les dépenses. Etant impossible de baisser la plus grande part de fonctionnement (la masse salariale), il est donc diminué les investissements et les charges à caractère général. La pérennité du patrimoine, le développement durable, la qualité des services publics, passent au second plan ». A contrario, des personnes publiques contraignent trop souvent le titulaire d’un marché de partenariat à faire de la surqualité dans ce domaine, entrainant ainsi des abus, reconnaît l’associé de GB2A : « L’acheteur ne doit pas exiger que son bâtiment soit comme neuf à la sortie. Il ne le sera pas, il aura une vingtaine d’années ». L’avocat préconise aussi d’insérer des clauses de market test et de benchmarking dans lesquelles le pouvoir adjudicateur se réserve le droit de mettre fin à la prise en charge de la maintenance par le titulaire du PPP si les prix de ce service ont considérablement évolué.

Définir correctement les besoins

Quel est le secret de la réussite d’un marché de partenariat ? Des besoins correctement définis en amont de la procédure, assure Me Grégory BERKOVICZ. « Les acheteurs ne sont pas suffisamment accompagnés car ils n’investissent pas assez dans le conseil juridique, technique et financier, contrairement dans le secteur privé », constate l’avocat. En conclusion, le professionnel est favorable à obliger les personnes publiques de produire des rapports d’évaluation du mode de projet et de soutenabilité budgétaire lorsque des opérations d’envergure sont lancées également en MOP ou en concession, comme c’est déjà le cas en marché de partenariat.


© achatpublic.info Par : M. Mathieu Laugier


 

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